Le web éthique et démocratique

Grâce à l’embauche d’un non voyant, Ipedis développe des outils et propose ses conseils pour que la toile appartienne enfin à tout le monde et soit accessible aux personnes souffrant de handicap.

Lorsque l’on est, comme les deux tiers des Français, un inconditionnel du web, on n’imagine plus faire la queue au guichet pour acheter ses billets de train, gérer ses comptes ailleurs qu’en ligne, éplucher toutes les revues pour retrouver une critique de film. Bref quand Internet est devenu l’aide domestique numéro 1, on se voit mal vivre sans.

Les non-voyants, les malentendants ou les handicapés sur le plan moteur, eux, n’ont pas le choix. Seulement 5% des sites internet leur sont accessibles. Il faut dire qu’en France, rien ne pousse à améliorer le service. A part le secteur public sommé de rendre lisible ses contenus Internet à tous, le privé peut continuer de ne s’adresser qu’aux valides. «Pourtant les mentalités commencent à évoluer, témoigne Aurélien Place, l’un des salariés de la société Ipedis. Les entreprises privées sont de plus en plus nombreuses à améliorer l’accessibilité de leurs infos. Pour elles, c’est avant tout un moyen de donner corps à leur politique de développement durable en participant à l’émergence d’une société plus citoyenne ». 

L’accessibilité invisible

Jackir Assan Aly a eu l’idée d’accompagner les entreprises dans cette voie en 2005 au moment où la loi sur le handicap pose l’obligation d’accessibilité numérique au secteur public et impose aux acteurs privés que leur site de recrutement soit conforme aux normes d’accessibilité.

L’ingénieur fraîchement diplômé développe des outils inédits et propose des méthodes permettant aux non voyants de découvrir les sites internet, écran éteint avec l’aide d’un seul clavier, guidés en quelques clics par un lecteur d’écran et une plage braille. PDF vocalisé, vidéos compréhensibles aussi bien pour les sourds que les aveugles comptent parmi ses premières créations. Désormais, grâce à l’outil Publispeak, un mal voyant peut même se faire conter le contenu des publications à feuilleter en ligne.

Passer le cap décisif de 2 à 3 salariés

Pour élaborer ces nouvelles applications et ses nouveaux services, Jackir travaille en étroite collaboration avec Sébastien, ingénieur non-voyant recruté en 2008 grâce à une aide financière de la Région d’un montant de 11 100 euros. « Sébastien nous apporte une vraie dimension supplémentaire, témoigne le chef d’entreprise. Grâce à lui, nous pouvons identifier précisément les besoins des utilisateurs non-voyants. » Une fois les contraintes explicitées, la partie technique est réalisée grâce à l’appui de partenaires : des ingénieurs spécialisés dans le développement de programmes complexes que le jeune homme teste grandeur nature. « Grâce à Sébastien, on ne peut pas tricher. Ca fonctionne ou ça ne fonctionne pas. » Cette sincérité, ce professionnalisme et ce pragmatisme ont d’ores et déjà conquis une quarantaine de grands groupes, comme le Crédit Agricole, la SNCF, Total ou Sanofi Aventis qui font déjà appel au savoir faire d’Ipedis.

A terme, l’entreprise qui compte aujourd’hui 3 salariés et 2 personnes en apprentissage, devrait embaucher une nouvelle personne handicapée (moteur ou malentendant). Parce que même si 60% des critères d’accessibilité concernent la malvoyance, les 40 autres doivent être abordés. Pour Ipedis, c’est avant tout une question d’éthique. Et de citoyenneté.

Hélène Binet

« Embaucher une personne handicapée était pour nous non seulement une question d’éthique mais aussi un enjeu de performance. »
Aurélien Place, salarié de la société Ipedis

« La Région Île-de-France a vraiment apprécié le caractère intégrateur d’Ipedis qui a permis très simplement à une personne handicapée de trouver sa place dans un projet à forte valeur ajoutée sociétale. »
Laurent Dechesne, responsable zone Est, au Centre Francilien de l’Innovation

Ipedis en bref :

L’année de création 2005

Les Coordonnées
14, place Georges Pompidou 93160 NOISY-LE-GRAND
Tél. : 33 (1) 43 04 29 22

Le Site internet www.ipedis.com

L’équipe de direction
Jackir ASSAN ALY directeur général

Photographie : Youval MICENMACHER / © Centre Francilien de l'Innovation

Janvier 2011 - le capital humain au service de l'innovation